A l’occasion de la sortie de son dernier roman (la valse du bonheur) Ylljet Alicka a eu l’amabilité de répondre à nos questions.
Quelle est la genèse du projet ?
Un article du journal italien Corriere della Sera de 2002. L’article évoquait l’histoire d’une famille albanaise réfugiée à l’ambassade d’Italie de Tirana.
C’est sur cet événement, reposant sur un fait réel qui ébranla à l’époque l’Albanie tout entière, que j’ai construit mon roman. Cette histoire m’a donné la possibilité d’exprimer mon point de vue et mes sentiments sur des thèmes comme le courage, la dignité ou la lâcheté humaine.
Quelle est la trame du roman ?
Anticipant sans le savoir « les futures conséquences » de la chute du Mur de Berlin, six citoyens albanais se réfugient dans l’ambassade italienne de Tirana. L’état totalitaire albanais subit un vrai choc. Il s’agit d’un évènement sans précédent non seulement en Albanie, mais dans toute la zone des ex-pays communistes de l’Europe orientale. Les six ne quitteront cependant l’ambassade que 5 ans plus tard, après de longues négociations internationales et une vie complètement isolée, sous une surveillance constante, logés dans deux pièces souterraines et alternant tour à tour entre : espoir, désillusions, rêves de « mariage à l’italienne » et souffrances psychologiques.
Les deux nations (Italie et Albanie) s’affrontent tant sur le plan politique que médiatique. Il s’agissait du deuxième cas de demande d’asile politique auprès d’une ambassade étrangère. Le premier fut le cas du cardinal hongrois Mindszenty qui, après la révolution hongroise en 1956, trouva refuge auprès de l’ambassade américaine de Budapest pour en sortir seulement en 1971.
Dans la réalité, cette famille est-elle parvenue à gagner l’Italie ?
En mai 1990, après de longues négociations internationales, la crise se règle positivement pour les six protagonistes qui vont arriver triomphalement en Italie.
Passé le scoop médiatique de leur départ, les six entrent dans les méandres d’autres calvaires : les procédures édictées par la bureaucratie pour le traitement des réfugiés.
A leur grande déception, ils seront logés dans un bâtiment communal, à la périphérie de Rome, isolés et malades.
Et l’Italie a-t-elle vraiment été une terre d’accueil ?
Après une décennie passée en Italie le bilan est désastreux : un membre de la famille Popa se suicide en se jetant par-dessus bord d’un ferry entre Durres et Bari ; un autre meurt des suites d’une querelle avec ses voisins ; une sœur se met en concubinage avec un bucheron sénégalais qu’elle a connu dans le camp de réfugiés et troque ses rêves de confort italiens pour une vie rude auprès d’un bûcheron ; une autre sœur fait des séjours réguliers dans un asile psychiatrique…
Il ne reste plus qu’Ileana, âgée de 75 ans, qui réside dans une maison de retraite à Rome, avec d’importants problèmes de mémoire, et qui ressasse en permanence le mariage qu’elle aurait pu faire avec le policier italien qu’elle avait connu à l’ambassade italienne de Tirana.